Les toiles de Bacon, un miroir de notre condition humaine ?

Face à ses toiles, la question du miroir éclot. Est-ce que ces toiles sont un miroir que Bacon nous tend ? Le miroir est un objet présent dans ses toiles, il le peint dans Trois études de dos d’homme (1970), dans Autoportrait (1973) ou dans Personnage écrivant reflété dans un miroir (1976). Sa présence dans la toile peut-elle nous interpeller sur le sens d’un miroir ? En psychologie on parle du stade du miroir comme du « moment où l’enfant réalise la synthèse de son image corporelle devant le miroir en prenant peu à peu conscience de son identité et de son intégrité propre par rapport au monde extérieur[46]». Entre la synthèse, la conscience de son identité et l’intégrité, on retrouve des mots sources pour étudier les personnages de Bacon. Au début de l’entretien VI Bacon confirme qu’il a beaucoup peint son autoportrait alors qu’il dit détester cet exercice. Lorsque Sylvester le questionne sur son mode d’action il répond « Je me regarde dans un miroir et je regarde aussi des photos de moi. [47]». Le sujet part ensuite sur d’autres portraits, pourtant ce rapport à l’autoportrait, à l’utilisation du miroir et la centralité du sujet – ajouté à la phrase prononcée par Sylvester sur ”le sentiment de la condition mortelle” – semble nous conter une histoire, celle de nos propres questionnements face à la condition humaine. Ce rapport au miroir existe aussi par le fait que bacon souhaite que ses toiles soient mises sous verre. Au centre Pompidou, lorsqu’on regarde le triptyque Three Figures in a room (1964), notre image se reflète et on voit aussi les œuvres des autres artistes suspendues derrière. Pourtant cela ne semble pas être sa volonté, il affiche un besoin de « distance (…) entre ce qui a été fait et le spectateur[48]». Cette attitude peut nous sembler pour une fois, plus hermétique, car voir son reflet quand on observe une œuvre est plus gênant qu’autre chose et il admet que les collectionneurs privés ne le font pas.