Poïétique : de l’accident à la sensation

Le processus créatif selon Duchamp

Bacon a un rapport dé-personnifié à la peinture « je ne sais en vérité pas très souvent ce que va faire la peinture, et elle fait beaucoup de choses qui sont bien meilleures que ce que je pourrais lui faire faire[7]. » Il traite du résultat du tableau et de sa rare ressemblance à ce qu’il avait prévu. Si nous voulons traiter de la poïétique, il est nécessaire de préciser l’espace dans lequel nous évoluons. Duchamp l’exprime avec clarté : « Pendant l’acte de création, l’artiste va de l’intention à la réalisation en passant par une chaîne de réactions totalement subjectives. La lutte vers la réalisation est une série d’efforts, de douleurs, de satisfactions, de refus, de décisions qui ne peuvent ni ne doivent être pleinement conscients, du moins sur le plan esthétique. Le résultat de cette lutte est une différence entre l’intention et sa réalisation, différence dont l’artiste n’est nullement conscient. [8]» Bacon est tout à fait conscient de ce décalage, il connaît cette citation qui est présente dans le livre sous une autre traduction[9] et déclare « je vois d’avance la chose dans mon esprit (…) et pourtant je ne la réalise presque jamais comme je la vois [10]» il répètera à plusieurs reprise l’existence de ce décalage. Bacon décrit un exemple marquant pour sa différence entre le résultat final et le sujet de départ : « Eh bien, l’un des tableaux que j’ai peints en 1946 – celui qui fait penser à intérieur d’une boucherie – m’est venu comme par accident. J’essayai de faire un oiseau en train de se poser dans un champs[11] ». Dans l’œuvre de Bacon, l’accident a un rôle essentiel.