Des formes mouvantes entre piège et sensation
Pour Bacon, « L’artiste (…) doit, en un sens, dresse un piège au moyen duquel il espère attraper tout vif ce fait vivant[12]. » Cette notion de piège est comme une articulation pour Bacon car vers la fin de l’ouvrage il ajoute « c’est par la structure artificielle que la réalité du sujet sera captée et que le piège se refermera sur le sujet en ne gardant que la réalité.[13] » Peut-on identifier ce piège comme ces formes mouvantes fabriquées par accident ? Deleuze analyse les choses ainsi : « la sensation est maîtresse de déformations, agent de déformation du corps[14] ». Ainsi sensation et déformation seraient liées ? Il paraît pourtant trop simple de réduire la sensation que provoquent ces corps à une simple déformation. « Ce que Francis Bacon nous montre (…) ce sont (…) des figurations de personnages vivants ou de choses généralement banales dotées, au moins en apparence, d’une certaine véracité d’image en référence directe avec des expériences vécues par le canal des sens, ou plus largement par celui de la sensibilité (…) [15]». L’instinct, la sensibilité joue un rôle essentiel dans ce processus. On sait que la sensibilité est affaire de peintre car elle lui est précisément attribuée sous cette définition « faculté d’éprouver des sentiments et aptitude à les traduire, à les exprimer dans une création artistique[16] ». De sensibilité et d’instinct, il en est précisément question dans ces entretiens. Son rôle est majeur dans l’art de Bacon et dans sa façon d’appréhender ses relations : deux sujets qui se posent en filigrane de ce livre mais aussi de son propre processus créatif dans la représentation de l’être humain.